La croissance du savoir

L’arbre de la connaissance

Même le plus majestueux des chênes ne fut un jour qu’un gland.

La croissance initiale, il l’a reçu de l’arbre-mère, celui qui produisit le fruit avec toutes les ressources nécessaires à son éclosion, puis l’émergence d’un germe, telle une brindille à peine sortie de terre. Chacune des ressources de son environnement, telle la terre, l’eau et la lumière est source d’opportunités autant qu’une menace, dès sa première poussée de croissance.

Cet arbre-mère n’a pas seulement produit un fruit, mais tout un environnement propice à sa croissance en modifiant les conditions du sol, de l’humidité et de l’illumination sous son houppier. En fait, ce n’est pas un seul arbre qui permet de faire cela, mais une forêt tout entière, peuplée de nombreux individus et espèces différentes. Nous pouvons avoir cette image naïve qu’un arbre a besoin de grand espace, de plein ensoleillement pour s’épanouir, de ceux que nous contemplons dans les parcs bien entretenus de nos villes, dont la plupart ont d’abord été soigneusement sélectionné en pépinière. Plantez un gland dans une prairie, loin d’une forêt et ses chances de survie sont proches de zéro.

Du savoir à la connaissance

Le savoir est ce sol sur lequel nous avons grandi, lui-même nourri par ces myriades de générations qui nous ont précédé et enrichi le sol par leurs connaissances. Si nous pouvons assimiler le savoir à un avoir, celui que nous avons reçu de nos parents et éducateurs, la connaissance est comme une seconde naissance, car elle offre un nouveau regard sur le monde et peut donc changer l’avenir, celui dans lequel j’évolue.

Le savoir appartient au passé, la connaissance à l’avenir. Cette transformation du savoir en connaissance, nous fait passer de l’avoir à l’être.

Cette connaissance se nourri de tous les liens que nous avons tissés avec notre environnement, telles les radicelles de l’arbre au plus profonds du sol jusqu’aux feuilles les mieux exposées à la lumière. Ce sont les relations, les connections, les interactions que constituent mon expérience du monde, proprement contextualiser pour en comprendre la signification. Cette intelligence de mon environnement me permet alors d’y apporter une forme de réponse adéquate.

Une intelligence naturelle

Ces formes de réponses adéquates, nous les retrouvons aussi dans la Nature, sous le nom de sélection naturelle. L’environnement que constitue le Vivant est lui-même en constante évolution, tel un arbre dont chaque fruit transmet ses gènes et offres de multiples chances de survie à l’espèce. Les cycles d’adaptation du vivant dépendent des mutations d’une génération à la suivante.

Cependant, les gènes d’un individu ne changent pas au cours d’une vie, uniquement lors de sa transmission. Cette adaptation se compte en cycles, selon la reproduction de chaque espèce, rapide pour des mouches, lents pour des arbres. Ce n’est pas la durée qui compte, mais la vitesse de reproduction des cycles. Tout individu qui se reproduit est source potentielle d’adaptation à un nouvel environnement. C’est ce que nous entendons par sélection naturelle.

Cette faculté d’adaptation est une forme naturelle d’intelligence. Naturelle, car nous en comprenons son origine à travers un long processus de cycles imbriqués les uns aux autres et qui évolue au cours du temps. Ce n’est que rétrospectivement que cette intelligence se manifeste, tel un écureuil cachant ses noisettes pour passer l’hiver.

Ce que nous nommons ainsi intelligence est encodée dans le génotype de l’individu, inconscient de cette faculté, mais capable de générer la réponse adéquate à sa survie. Cette intelligence n’a pas besoin d’être consciente d’elle-même pour agir, même si parmi les multiples choix possibles, seuls les gènes faisant preuve de résiliences se transmettent.

Une intelligence humaine

A contrario, l’intelligence humaine, est une faculté d’adaptation que nous pourrions qualifier d’artificielle, car ne dépendant plus d’un prochain cycle de reproduction pour s’adapter. Non seulement l’être humain peut transmettre ses gènes à la génération suivante, mais il peut aussi lui transmettre son savoir, c’est-à-dire la somme des connaissances acquises au cours d’une vie. Cette connaissance n’est plus portée par les gènes, mais par un savoir collectif, actualisé et vérifiable.

Cette intelligence-là est responsable du formidable essor de nos civilisations, elle-même en constante mutation, mais dont les facultés d’adaptations ne correspondent plus à celui d’un troupeau de bisons ou celle d’une forêt primaire. La connaissance nous permet de comprendre pour mieux agir et établir des relations là où auparavant nous n’en voyons aucune. Ce processus de transformation nous fait passer de l’avoir à l’être, d’un savoir à un savoir-faire, d’une observation à une théorie falsifiable. Ces prédictions permettent d’accélérer l’adaptabilité de l’espèce au-delà d’une sélection strictement naturelle, au-delà de son simple cycle de reproduction. Il n’est plus nécessaire d’attendre le passage de nombreuses générations pour s’adapter, nous pouvons le faire grâce à nos connaissances.

Nous comprenons ainsi qu’il n’y a pas de connaissances sans l’intelligence des cycles sous-jacents. Cette formation des connaissances passe par une confrontation au réel, celui que retourne notre environnement, que ce soient les effets de nos actions ou l’observation et l’analyse de résultats expérimentaux. Nous créons nos propres boucles de rétroaction.

Nous ne faisons pas évoluer nos gènes aussi vite que ces connaissances-là, pas sur l’échelle de quelques générations. La production de savoirs que couvre nos bibliothèques a évolué bien plus vite que le rythme de reproduction des êtres humains. Depuis Platon, Galilée ou Einstein, nous partageons vraisemblablement le même génome, mais la quantité de savoir accumulé depuis ces quelques milliers d’années a modifié jusqu’à la surface de la terre, visible même depuis l’espace.

La connaissance de chacun est le savoir de tous

Nous avons grandi à l’ombre de nos parents, mentors et autres éducateurs, éclairé par le savoir qu’ils nous ont transmis. Nous avons ensuite abondé ce savoir de par nos propres lectures et expériences, en s’abreuvant directement à la source des meilleurs auteurs de l’humanité, ou de leurs vulgarisateurs, car même sans les avoir lus leurs savoirs diffusent dans la société.

Nous en retenons si peu, mais ce qui nous reste et avons utilisé dans notre vie aura été source de véritable connaissance. « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. » écrivait déjà Édouard Herriot. Ce qui reste au cours d’une vie, c’est la connaissance que nous transmettrons à la génération suivante qui se transforme alors en culture, telle la forêt qui a vu éclore ce gland. Cette culture n’est pas l’apanage des savants et autres figures d’autorités, mais du brassage et des expériences de tous les membres de la société à la confluence des multiples sources de savoirs.

On reconnait un arbre à ses fruits, c’est ainsi que nous reconnaissons l’arbre de la connaissance, à ses découvertes, moment d’eurêka par excellence. C’est du mélange de multiples sources de savoir qu’émergent les plus belles découvertes. Nul ne sait d’où viendra la prochaine rupture technologique, le prochain courant de pensée ou révolution scientifique. Le savoir ne suffit pas, car en vérité nous ne le savons pas. Pour cela, il faut transformer notre savoir en connaissance selon les cycles d’une évolution qui n’est désormais pas juste naturelle, mais humaine.

Une civilisation dont les ramifications portent des découvertes telles que la loi de la gravitation universelle de Newton, la théorie du chaos ou celle de l’évolution pour les systèmes vivants et même une théorie de la connaissance, en perpétuelle évolution, est déjà une civilisation de la connaissance.

Newton affirmait reposer sur les épaules d’un géant, nourri du travail de tant de savants avant lui, autant philosophes que physiciens, théoriciens qu’expérimentateurs. Il aurait pu tout autant affirmer se nourrit du fruit de l’arbre de la connaissance dont la sève du savoir remontait du tronc pour s’étendre selon les nombreuses branches de la connaissance dont il put savourer le fruit.

L’article en 4 points

  • Article sur la connaissance
  • Carré sur le temps
  • Carré sur le Vivant
  • Carré sur les émotions

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