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L’expérimentation permet-elle de valider les hypothèses physiques ?

Les mathématiciens n’étudient pas des objets, mais des relations entre les objets ; il leur est donc indifférent de remplacer ces objets par d’autres, pourvu que les relations ne changent pas. La matière ne leur importe pas, la forme seule les intéresse.

Henri Poincaré, La science et l’hypothèse

Une hypothèse est étymologiquement « la thèse sous-jacente », c’est une affirmation a priori intuitive, évidente ou donnée à partir de laquelle une suite de raisonnements ou d’actions peuvent suivre. Si je prends pour hypothèse que la chaleur monte, alors je peux construire un four à bois avec une cheminée étroite pour maintenir la chaleur vers le bas. Une hypothèse prends la forme d’un postulat en physique ou celle d’un axiome en mathématique : indémontrable logiquement, mais sur lequel la suite du raisonnement se base. L’hypothèse en physique est ainsi le point de départ à toute théorie dont les déductions logiques peuvent être traitées mathématiquement

L’expérimentation en revanche a pour point de départ ce qui est concret et tangible, et qui peut être observé et manipulé, ce que nous pourrions qualifier de réel. Au-delà de la simple expérience qu’un évènement aurait imprimée en soi, et que nous considérons comme subjectif, l’expérimentation cherche activement, bien souvent par essaie et erreur, une solution à un problème donné, de manière objective, c’est-à-dire indépendamment de l’expérimentateur. En d’autres termes, le résultat expérimental doit pouvoir être reproduit par n’importe qui ayant connaissance du protocole expérimental et des moyens matériels pour le faire.

L’expérimentation en science est ainsi communément considérée comme une méthode pour tester les conséquences des hypothèses. En d’autres termes, c’est une mise à l’épreuve des présupposés sur un sujet dont on veut valider la cause, c’est-à-dire son origine. Le principe de l’investigation scientifique est de donner une explication rationnelle à des causes naturelles.

Il ressort de ces notions courrament admises, que chercher à valider une hypothèse physique revient à mettre en relation un concept abstrait avec une réalité concrète. D’un côté, il y a la démarche intellectuelle qui à force de déductions logiques permet d’établir un cadre cohérent et des prédictions sur l’apparition et le comportement d’un phénomène bien identifié. De l’autre, il y a la démarche expérimentale, qui cherche à rendre manifeste la suite causale d’évènements à l’origine du phénomène étudié, indépendamment de tous artéfacts, d’ambiguïté dans les mesures ou de causes multiples à un phénomène identique.

Nous avons ainsi deux approches distinctes à un même problème, à savoir, une approche descendante : des causes naturelles vers le phénomène que l’on veut mettre en évidence (suivre le chemin des causes telles qu’elles se produisent, l’une après l’autre, selon un protocole expérimental bien défini) et une approche ascendante : de la manifestation du phénomène vers une argumentation cohérente (remonter la chaine de raisonnement logique depuis l’hypothèse).

Cependant, qu’est-ce qui nous permet d’affirmer que ces deux approches se rejoignent ? Et surtout comment pouvons-nous garantir que cet accord soit véritable sachant que concept et réalité, théorie et expérience, raison et causes n’ont a priori rien d’équivalent ? La nécessité de la déduction se heurte à la contingence de phénomènes naturels dans leurs manifestations et c’est précisément ce dont l’expérimentation veut s’affranchir. Valider une hypothèse à partir de faits expérimentaux revient donc à rendre l’apparition du phénomène aussi nécessaire que les déductions logiques qui servent à décrire ce phénomène, c’est-à-dire intégrer déjà la raison dans l’expérience.

Pour répondre à cette problématique, et éviter un raisonnement circulaire, je distinguerai l’acquisition des connaissances à la fois empiriques et spéculatives selon les causes ou la raison, pour mieux identifier comment elles se rejoignent et sous quelles conditions:

  • Suivre le chemin des causes : expliciter la démarche expérimentale, à travers notamment la notion de l’état de l’art en physique, pour mieux comprendre la production de faits scientifiques et la relation de subordination de la nature à l’esprit humain
  • Suivre le chemin de la raison : comprendre le cheminement intellectuel dans l’interprétation des données, le traitement de l’information et le rejet du bruit comme non essentiel
  • Distinguer les formes de savoirs et identifier celle qui autorise une certaine conformité entre le fait expérimental et l’hypothèse sous-jacente à la théorie, c’est-à-dire lorsque causes et raison se rejoignent.
  • Conclusion

L’état de l’art

Depuis la Révolution scientifique du XVIIe siècle, l’expérimentateur considère qu’une simple observation de la Nature ne permet pas d’expliciter les mécanismes sous-jacents à l’apparition d’un phénomène plutôt qu’un autre. Il faut pour cela créer un environnement contrôlé et reproductible. Cet environnement n’est alors plus vraiment « naturel » mais relève de l’ingéniosité humaine – à travers la fabrication de nouveaux instruments ; de diverses stratégies de mesures – le protocole expérimental ; d’un cadre théorique susceptible d’expliquer et prédire les manifestations attendues – une modélisation mathématique. L’expérimentation est ainsi ce qui soumet la Nature au génie humain, à son « art » et à ses artifices. Ne dit-on pas d’une expérience à la pointe de la technologie qu’elle est à « l’état de l’art » (state of the art) ?

Une expérience de physique est ainsi une paramétrisation de la Nature, qui consiste à faire varier un paramètre à travers une série de mesures, toutes choses égales par ailleurs, en vue d’en extraire un résultat univoque, c’est-à-dire facilement comparable avec la théorie. Poussée jusque dans ses derniers retranchements, la science de la mesure ou métrologie, permet de remonter à travers cette chaine de mesures à ce qui est considéré comme des invariants de la Nature (paramètre constant en toutes conditions), telle la vitesse de la lumière c, la charge de l’électron e, ou la constante de Planck h : nulle expérience n’a pu mettre en évidence une variation de ces valeurs et ils servent donc de référence de mesure dans le Système International (SI).

Cette paramétrisation de la Nature interrompt la libre variation du phénomène, pour la garder captive du savoir-faire de l’expérimentateur grâce à son ingéniosité et sa technicité. C’est ce qui permet de mieux contrôler l’objet d’investigation et restreindre ses degrés de liberté, c’est-à-dire sa capacité de mouvement ou plus généralement sa capacité à changer d’état.

Ce contrôle des degrés de libertés d’un système, les nanotechnologies en sont un remarquable exemple, passant d’une échelle massique (bulk en anglais) selon 3 dimensions de l’espace (3D), à des matériaux bidimensionnels tels que les gaz d’électrons 2D, sorte de surface sans volume. Ce contrôle de la densité électronique ne s’arrête pas là, avec les nanotubes de carbone ou nanofils 1D et les boites quantiques, matériaux 0D dont les trois dimensions de l’espace sont réduites à un « point ».  Dans de telles boites, les électrons sont confinés selon les 3 dimensions de l’espace et leurs niveaux d’énergies quantifiés. Une boite quantique est ainsi qualifiée d’atome artificiel, objet crée de toute pièce, parfois atomes par atomes, où les nanotechnologies rejoignent les technologies quantiques.

La base du protocole expérimental a ainsi pour but de rendre un phénomène reproductible, c’est-à-dire la production à souhait d’un fait naturel dans un contexte de laboratoire. Dès lors, pouvons-nous nous attendre à ce que la Nature révèle autre chose que ce que nous cherchions déjà ? En réalité, le résultat expérimental dépend de son interprétation ou cette capacité à extraire ce qui est essentiel à l’apparition du phénomène.

Le traitement de l’information et son interprétation

Dans cette quête de contrôle, tout ce qui ne correspond pas à l’objet de recherche, le signal, est considéré comme du bruit. Le signal est la trace laissée par la Nature sur l’instrument de mesure : c’est sa signature, la réponse tant attendue, bien que noyée dans du bruit. Le bruit est ce qui n’apporte rien à l’interprétation de la mesure, même si son origine est tout aussi naturelle. C’est la part de contingence de toute expérimentation. L’expérience est conçue pour mieux contrôler le phénomène étudié, rétroagir sur lui, obtenir un rapport de signal-sur-bruit satisfaisant ou répéter l’expérience un grand nombre de fois en vue d’une analyse statistique.

Le traitement statistique des données repose sur un certain nombre de théories qui même sous couvert mathématique, n’en demeure pas moins tributaire de choix et hypothèses indépendantes de l’expérience. Puisque la part de contingence ne peut jamais être totalement soustraite d’une expérience de physique, elle doit l’être par un traitement mathématique pour mieux faire ressortir ce qui est nécessaire et compréhensible par la raison. Les données brutes de l’expérience n’ont de sens qu’après ce traitement, de même que les stimulations externes auxquelles nous prenons conscience n’ont de sens qu’après traitement par notre cerveau.

Selon cette interprétation, le bruit se réduit à un phénomène stochastique, là où le signal est parfaitement reproductible et la qualité d’une mesure se détermine par son rapport signal-sur-bruit. Un phénomène aléatoire n’est plus soumis au principe de causalité, puisque les mêmes causes engendres des effets différents : il est par définition inattendu et spontané, du domaine du hasard et seul soumis à la lois des grands nombres. Ce qui est aléatoire est ce qui arrive sans raison mais pas sans causes : il se produit bien mais ne peut être reproduit. Voici, il me semble, le nœud du problème.

L’interprétation cohérente des résultats expérimentaux voudrait que causes et raison coïncident et c’est ce qui donne lieu à la dérivation de lois physique universelle. Il reste cependant toujours une part de contingence et de données inexploitables avec les meilleures théories du moment, un niveau de bruit irréductible et même intrinsèque en mécanique Quantique. En Physique, une hypothèse correspond à la capacité à extraire ce qui parait essentiel dans la manifestation du phénomène, et se réfère à ce qui est observable à travers les artifices instrumentaux de mise en évidence et non à une simple observation spontanée. Ces hypothèses ne sont pas anodines et relève du biais du physicien ou de sa capacité singulière à remonter aux causes efficientes : celle qui permettront de produire un cadre théorique cohérent dans l’interprétation des données et qu’avec le temps, nous considérons comme des lois universelles, telle la loi de la gravitation ou de l’électromagnétisme. Pourquoi telle hypothèse plutôt qu’une autre ? Comment ce choix influence-t-il l’interprétation du résultat expérimental ?

Pour valider une hypothèse, il faut qu’il y ait accord entre théories et expérience. Tels deux protagonistes autour d’une table, la Nature d’un côté et le physicien de l’autre se mettre d’accord sur l’application de lois, applicable partout et en tout temps. Le mot même de « loi », terme juridique pour qualifier ce que la Physique a de plus universelle, reflète une méthode trop humaine : celui du jugement. En réalité, peut-on s’en affranchir ? En effet, seule la loi est contraignante, elle fait nécessité et c’est ce qui mène au déterminisme. Pourtant, cette même loi est avant tout le résultat d’une théorie, d’une idée remarquable ou d’un principe d’équivalence que nous croyons être vrai et de là, universel. A vrai dire, seuls les désaccords comptent, c’est-à-dire les incohérences, les contradictions, les incompatibilités entre la théorie et la manifestation du phénomène tel qu’il se produit. C’est à partir de ce désaccord, que de nouvelles hypothèses sont émises. De la même manière que les lois humaines changent dans la société civile, les lois physiques changent aussi pour des raisons qui ne sont pas lié à l’observation de la Nature, mais à son interprétation, qui correspond alors à un changement de paradigme.

De l’hypothèse à la validation, toutes les étapes passent à travers l’esprit humain avec notamment ce traitement mathématique des résultats expérimentaux. Nous avons en quelques sortes soustrait la Nature de l’équation par une modélisation conceptuelle. La Nature étant considérée comme le media à travers lequel l’expérience pourra être conduite, mais in fine ce qui compte c’est le chemin logico-déductif suivie par l’esprit qui aura conduit son expérimentation du début jusqu’à la fin, avec un objectif précis : celui de valider ou invalider son hypothèse qui doit se refléter dans le protocole expérimental.

En ce sens, l’expérimentation permet de valider les hypothèses d’un modèle théorique, de même qu’en mathématique, la démonstration d’un théorème valide la cohérence des axiomes sur lesquels le raisonnement se base. C’est une manière de traduire les concepts d’un modèle physique en conséquence logique qui doivent se manifester dans le monde réel sous des conditions déterminées.

Mais dans un tel contexte, la Nature n’a plus son mot à dire, ou plus précisément qu’un seul mot : non ! Une opposition catégorique, une incompatibilité fondamentale entre la mise en œuvre créative et ingénieuse de l’esprit humain et cette réalité extérieure à son esprit à travers le résultat expérimental. L’hypothèse ouvre le chemin des possibles ou ce qui « a une raison », le résultat expérimental rejette ce qui est impossible ou ce qui « ne peut être causé ». De plus, cette invalidation n’est nullement spécifique mais concerne l’ensemble des hypothèses attachées à l’expérience, dont une au moins est en désaccord avec la Nature.

Les formes de savoirs

Maintenant que nous avons distingué causes et raison dans la production et l’interprétation de résultats résultats, nous pouvons considérer diverses formes de savoirs, à partir de faits expérimentaux et d’une interprétation théorique de ces faits. Ce qui ressort des sections précédentes, c’est que même la Science la plus fondamentale n’est jamais « nue », suffisante à elle-même, indépendante de la communauté qui l’a vue naitre ; elle est « habillée » et porte avec elle le bagage historique, les (pré-)conceptions et intuitions initiales, les ressources financières et humaines nécessaires à son déploiement, en vue notamment de produire des instruments de mesures de complexité croissante.

Traditionnellement, la distinction entre sciences dites exactes et humaines serait la version « nue » et « habillée » d’un certain esprit scientifique, ces deux sciences servant un objectif commun, celui de l’accroissement des connaissances, mais dont l’objet d’investigation est soit qualifié de naturel (physique) soit d’artificiel (humain). Or, l’investigation scientifique de la Nature fait appel à des artifices de mesures originant de l’esprit humain : les deux sont étroitement liés. C’est ainsi que nous compartimentons nos savoirs sans admettre la perméabilité qui existe entre les deux. Nous tenons en effet pour acquis qu’un bon raisonnement se trouve validé par une cause bien identifiée, comme démonstration d’une hypothèse ou qu’une cause bien identifiée peut s’expliquer par la seule raison, principe de raison suffisante. Or, ces deux approches ont besoin de l’une l’autre pour se justifier sans qu’aucune ne puisse réclamer son antériorité : l’expérience nourri sans cesse les développements théoriques, de même qu’un bon raisonnement est nécessaire à mettre en place un protocole de mesure ingénieux. C’est la fécondité de ces deux approches qui permet l’accroissement des connaissances, par un incessant aller-retour entre théories et expériences.

L’esprit d’analyse, nécessaire à la méthode scientifique, à tendance à cloisonner les champs du savoir, en créant des catégories. Nous pouvons malgré tout croiser ces analyses entre une connaissance « par la raison » (selon la théorie ou l’abstraction) et une connaissance « par les causes » (selon l’expérience ou la pratique) sous la forme d’un tableau :

Je sais
(par la raison)
Je ne sais pas
(par la raison)
que je sais
(par les causes)
Savoir scientifique :
déterministe, où causes et raison coïncident, et donne un pouvoir d’explication et de prédiction en rejetant le bruit et l’aléa
Savoir empirique :
je peux reproduire un phénomène mais je ne peux l’expliquer. Les causes (naturelles) sont antérieures à la raison (humaine).
que je ne sais pas
(par les causes)
Savoir théorique :
je peux décrire un phénomène mais je ne peux le reproduire. La raison (humaine) est antérieure aux causes (naturelles). Rien n’est laissé au hasard.
Intuition : ni rationnel, ni causal. De là naissent les hypothèses, basées sur des croyances, qui mènent à des considérations empiriques ou théoriques.
Formes du savoirs à partir des causes et de la raison

Nous pouvons ainsi distinguer 4 formes de savoir :

  • Le savoir scientifique qui produit le savoir bien identifié de nos livres, logiquement cohérent et reproductible par le protocole expérimental. Cette connaissance est le produit de l’intelligence humaine à partir d’un processus rationnel de compréhension des causes sous-jacentes à l’observation d’un phénomène.
  • Le savoir théorique ou a priori, dont l’explication est d’ordre spéculative et la validation encore inconnue. Mais même dans ce qui est inconnu, il y a une part de connaissance : cette capacité à re-connaitre ce qui manque et donc à identifier ce qui doit être étudié. C’est mettre la raison (théorie) avant les causes (expérience).
  • Le savoir empirique ou a posteriori qui permet de révéler d’étranges phénomènes dont l’explication rationnelle est encore manquante. C’est parfois ce qu’on nomme la sérendipité en science : cette capacité à faire d’heureuse découverte sans comprendre comment nous y sommes parvenus, ou rétrospectivement. C’est mettre les causes avant la raison et chercher à justifier ce qui observé
  • L’intuition, qui demeure indémontrable ni par la raison, ni par l’expérience et qui pourtant correspond à un paradigme fondateur, c’est-à-dire le cadre conceptuel sur lequel se base la suite des raisonnements et expériences. Ces intuitions demeurent cependant mystérieuses, du domaine de la croyance même si certaines intuitions semblent ensuite être validées par des découvertes scientifiques (jusqu’à leur prochaine remise en cause)

La connaissance scientifique est ainsi le produit de considérations théoriques et empiriques dont l’accord est d’un côté l’explication rationnelle de relations logico-déductives (à travers notamment les mathématiques) et de l’autre la reproduction de fait expérimentaux par un contrôle toujours plus fin de manifestation des causes (à travers des développements instrumentaux). C’est une approche dualiste entre un savoir a priori ou prédictif, et un savoir a posteriori ou données de l’expérience dont la concordance sert de validation jusqu’à ce que l’un ou l’autre soit remis en cause.

Cette dualité, nous la retrouvons dans tout esprit d’analyse. Si les sciences exactes cherchent à donner une raison aux causes, par un processus de rationalisation de la nature, les sciences humaines cherchent à donner une cause à ces raisons, c’est un processus de justification des comportements humain à travers notamment les biais psychologiques et préconceptions antérieures à l’argumentation rationnelle.

Evidemment, et c’est la nature expansive du savoir, la tentation est grande de vouloir tout expliquer à partir d’une source et perspective unique : c’est ainsi que les sciences humaines voudraient qu’in fine, toutes connaissances soient réductibles à une activité humaine et à ses tribulations (thèse contingentiste), de même que la tentation scientifique serait de réduire toute connaissance à une série de preuves mathématiques telles qu’exprimées par un néo-positivisme moderne (thèse déterministe). Dans les deux cas, nous voyons réapparaitre l’aporie des philosophes antiques, cette opposition entre nécessité et contingence, entre ce qui fait sens et génère un savoir et ce qui est absurde et provoque une remise en cause.

Conclusion

La Physique est avant tout une modélisation de la Nature, pas la Nature elle-même : c’est une simulation qui se joue en laboratoire, dans un contexte théorique, historique, pratique et social particulier. Elle permet de poser des questions sur des sujets dont le physicien ignore a priori la cause qu’il cherche à justifier par une preuve a posteriori de mesures reproductibles. Ce couple cause-raison est indissociable de la méthode scientifique et correspond au delà même d’une hypothèse, à un paradigme fondateur, sans quoi rien ne peut être démontré avec un degré de confiance satisfaisant.

Les sciences exactes et la physique en particulier ne peuvent reposer que sur une conception déterministe du réel, car c’est seulement dans ce contexte que raison et causes se justifient mutuellement. Aucun scientifique ne peut se soustraire au principe de causalité, qui donne raison aux causes. Même le caractère fondamentalement contingent de la mécanique Quantique, trouve une expression déterministe des lois de probabilités qui régissent l’évolution de la fonction d’onde et d’un traitement statistique des données de l’expérience. Sans quoi la raison pert pied.

Dans un tel contexte l’expérimentation permet de valider ou plus précisément de non-invalider une hypothèse. Ce contexte est cependant réducteur en termes de manifestation naturelle des causes et c’est ainsi qu’aucune théorie scientifique n’est jamais définitivement acquise : elle reste seulement de l’ordre du possible jusqu’à ce qu’une nouvelle donnée de la Nature la rende impossible, donnant naissance à de nouvelles hypothèses.

Par ailleurs, il reste des questions, peut-être plus grande encore dont le scientifique ne sait pas qu’il ignore. Ces questions ne font pas parti de la Physique, de l’ordre du mystère. Ce n’est pas une simple ignorance, un oubli ou un défaut d’imagination, c’est ce qui demeure inconnaissable, bien que faisant partie de la Nature. C’est ce qui rend les conjectures concernant l’âge de l’Univers, son origine ou sa fin, purement spéculative, de l’ordre de la conjecture ou de la métaphysique, ce qu’aucune expérience ne peut trancher : nous ne pouvons reproduire l’Univers en laboratoire, seulement des protocoles parfaitement contrôlés. C’est aussi ce qui rend la Nature si prompt à nous émerveiller, car elle cache toujours en elle quelque chose d’inconnaissable dont nous cherchons l’intuition en soi-même.

Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement Mme Léna Soler pour le choix du sujet et ses suggestions de corrections lors de son cours Philosophie et histoire des sciences physiques au sein du Master à distance MADELHIS des Archives Henri Poincaré de l’Université de Lorraine.

Couverture du livre La science et l’hypothèse de Henri Poincaré

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