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Est-ce rationnel d’être athée ?

Il est aussi difficile à un idéaliste d’être athée qu’à un matérialiste d’être déiste. Le débat de l’existence ou de l’inexistence de Dieu nous amène à un combat d’arrière-garde : celui de la dualité, de l’opposition entre l’esprit et la matière, entre le bien et le mal, entre ce quelque chose plutôt que ce rien. Cependant, nous n’en savons rien et c’est en réalité tout ce que nous savons à ce sujet. La voie est sans issue et les arguments alternent comme les mouvements d’un balancier sans trouver de position d’équilibre. Croire en l’inexistence de Dieu est tout aussi partisan que croire en son existence. C’est un acte de foi, pas de raison, et toutes les philosophies de l’Histoire et les théories scientifiques en vogue ne sont d’aucun secours.

Ce que l’Histoire nous enseigne est que nous sommes passés d’une vision panthéiste du monde, où nous voyions Dieu partout, à une vision scientifique où nous ne le voyons nulle part. Cette émancipation dont nous ne sommes pas peu fiers, nous le devons à la raison. Cependant, est-il vraiment rationnel d’être athée ?

L’agnosticisme est la seule position rationnelle mais insuffisante

Par défaut, nous devrions tous être agnostiques, c’est-à-dire « sans connaissance » ou pour être plus juste, en recherche de connaissance. Pour citer le philosophe athée André Comte-Sponville :

Si vous rencontrez quelqu’un qui vous dit : « je sais que Dieu n’existe pas », ce n’est pas d’abord un athée ; c’est un imbécile. Disons que c’est un imbécile qui prend son incroyance pour un savoir. Et de même si quelqu’un vous dit : « je sais que Dieu existe » ; c’est un imbécile qui prend sa foi pour un savoir. La vérité, il faut y insister, c’est que nous ne savons pas.

André Comte-Sponville

En vérité, si nous n’en savons rien, c’est que pour se former une connaissance de Dieu, nous avons besoin d’en faire l’expérience. Une expérience personnelle et singulière qui n’a rien de reproduisible et donc de scientifique. Soumettre Dieu à un test pour valider ou invalider cette hypothèse serait contraire à son essence – à sa définition même – ce qui par définition est non-scientifique. Nous avons la Nature pour cela et c’est ainsi que la science opère sur des systèmes clos, déterminés, reproduisibles à partir de relations logico-déductives nommées raisonnements.  

Pourtant comment fonder la raison sur un amas bouillonnant de particules élémentaires bien que naturelles, aussi aléatoires qu’irrationnelles dans cette partie de l’être humain qu’on nomme cerveau et qui veut nous convaincre que Dieu n’existe pas ?

Le débat n’a plus rien de rationnel, mais sans raison, il n’y aurait aucun débat. Cette raison est invoquée comme principe ultime par tous, comme soutient à la vraisemblance de ses arguments. Personne ne veut être dupe et suivre un raisonnement caduc ou incohérent. La raison sert avant tout à déduire les conclusions logiques de ce que nous avons émis comme hypothèse. Ces hypothèses sont basées sur nos croyances et intuitions : ce que nous prenons pour une évidence. La raison est mercenaire, elle sert les deux camps et c’est ce qui nous unit. C’est aussi ce qui nous permet de rester libre, car si la réponse était déterminée, nous n’en aurions plus le choix.

Le vrai débat de l’existence ou non de Dieu est celui de la raison, qui est aussi le débat de la validé des Sciences. Sur quoi la raison se fonde-elle ? Peut-on lui trouver une raison d’être ?

Arguments idéalistes et arguments matérialistes

Les idéalistes argumenteront que la raison n’est pas matérielle, et que la seule idée nécessaire de Dieu est preuve de son existence. L’essence de Dieu est identique à son existence : argument ontologique. Mais force est de reconnaitre que la raison se dissipe aussi bien dans l’alcool que le chloroforme. Une maladie neuro-dégénérative ou un choc émotionnel intense peut nous faire perdre la raison. Cette raison est tributaire de son environnement physiologique, bien réel et tout aussi matériel.

Les matérialistes argumenteront que ce sont les processus physico-chimiques à l’intérieur du cerveau qui me donne l’impression que ce que je pense est rationnel alors qu’en réalité il est tout aussi aléatoire et contingent que cette course folle des molécules. Mais ceci est insensé ! Comment accorder la moindre validité aux processus physico-chimique qui précisément discrédite toute raison alors que nous nous sommes appuyées sur elle pour les démontrer ? La raison ne peut pas rationnellement être une propriété émergente de la matière, c’est une tautologie ridicule. Nous pouvons démontrer la marche aléatoire du mouvement brownien, jusqu’à la réalité de l’atome, mais nous ne pouvons utiliser cet argument pour aussi valider la raison, aussi complexe que soit le processus. Ce raisonnement ne fonctionne pas dans les deux sens. Il y a un sens à la raison, c’est ce qui donne sens à nos déductions. Si nous démontrons le tout et son contraire, nous n’avons rien démontré : principe de non-contradiction.

Admettre que la raison est matérielle est irrationnel. Admettre que la raison est immatérielle est idéaliste et donc irréaliste. La raison n’est qu’un rapport, une relation que nous tentons d’établir entre pensée et réalité, entre une chose et sa manifestation, entre un objet et sa mesure. La raison est ce qui rend le monde quantitatif et c’est pourquoi elle est indispensable en sciences. C’est aussi ce qui rend le monde intelligible. Sans raison, nous ne nous poserions même pas la question de Dieu, nous serions encore à utiliser des pierres pour ouvrir des noix de coco, ce que nos ancêtres chimpanzés font très bien.

La raison est cet outil dont on se sert non pas pour ouvrir des noix de coco, mais pour découvrir les mécanismes sous-jacents à notre compréhension du monde. Pour reprendre l’allégorie de Nietzsche, philosopher c’est prendre un marteau pour déconstruire nos idées fausses, nos idoles. Nous ne pouvons cependant pas déconstruire ce marteau lui-même, qu’on appelle Raison.

Le principe de raison suffisante

Le monde est contingent alors que les lois qui le régissent sont nécessaires. Nous en arrivons même à la conclusion que chaque événement arrive pour une raison, non par magie ou selon le fruit de mon imagination. C’est le principe de raison suffisante énoncé par Leibniz.

Aucun fait ne saurait se trouver vrai ou existant, aucune énonciation ne saurait se trouver véritable, sans qu’il y ait une raison suffisante, pourquoi il en soit ainsi et non autrement.

Leibniz

Cependant, il suffit d’ouvrir les yeux, le monde n’a rien de rationnel. Il est le théâtre affligeant de querelles sans nombre, rempli de vacarmes et entretenu par des fous. C’est l’argument le plus souvent invoqué pour nier l’existence de Dieu : ce monde est absurde et la souffrance le lot de tous. Cette affirmation est aussi une négation de la raison. Ce qui est absurde est insensé et donc contraire à la raison.

Je crois que depuis Leibniz, nous avons commis une erreur d’interprétation : nihil est sine ratione, principe de raison suffisance, peut se traduire par rien n’est sans raison. Or, avec Newton nous l’avons plutôt assimilé à rien n’arrive sans cause : il y a toujours une force motrice derrière chaque mouvement.  Cependant, Cause et Raison ne sont pas équivalentes. La raison n’est cause d’aucun mouvement, et pourtant sans raison, nous n’en connaitrions pas les causes.  Même l’absence d’une cause n’est pas cause de cette absence. Ce n’est pas le principe de Relativité générale qui fait qu’une pomme tombe, mais c’est par ce principe que nous pouvons comprendre sa trajectoire. Force et esprit ne signifient pas la même chose. Je crois que cette dichotomie est à l’origine du problème.

À partir de l’énoncer « rien n’est sans raison » nous serions tentés d’affirmer que « tout a une raison ». Cette simple modification sémantique nous fait passer de l’être à l’avoir. Il ne s’agit plus de ne pas être sans raison, mais d’avoir raison : la raison devient une justification (souvent a posteriori) et c’est là où l’interprétation de cette maxime nous induit en erreur. Car l’avoir n’est pas l’opposé de l’être, il en est la conséquence. Le Rien n’est pas le contraire du Tout, il n’est que l’absence de quelque chose. La réalité ne se réduit pas à une simple dualité : tout ou rien. C’est déjà ce que j’ai tenté d’esquisser dans l’article sur le Possible et le Réel à partir des considérations de Bergson à ce sujet.

Le discours des philosophes – opposé à la narration mythologique – s’est initialement inspiré de la géométrie et apporte la mesure à travers la raison. Cette relation entre philosophie et géométrie, nous la retrouvons entre physique et mathématiques. Assimiler cause et raison revient à assimiler la physique aux mathématiques. Il est évident que les mathématiques ne sont à l’origine d’aucune cause matérielle et donc physique. Cependant, sans mathématiques, il n’y aurait pas de physique et sans raison il n’y aurait pas de théories scientifiques. Ces théories ne sont en réalité causes de rien du tout, et c’est ce qui montre la limite de tout modèle mathématique en physique classique. Citons Einstein à ce sujet :

En tant que les théorèmes des mathématiques se réfèrent à la réalité, ils ne sont pas exacts, en tant qu’ils sont exacts, ils ne se réfèrent pas à la réalité

Albert Einstein

À vrai dire, les mathématiques fonctionnent mieux en physique quantique qu’en physique classique, ce qui a toujours bien tracassé Einstein. Il est ainsi difficile — peut-être impossible — d’avoir une intuition de la mécanique quantique sans mathématiques. Les prédictions de la mécanique quantique sont d’une remarquable précision, mais sur des ensembles statistiques, et c’est ce qui pose le problème de son interprétation, telle la superposition d’état d’une même particule ou l’intrication de particules entre elles. Le possible ne précède pas le réel, il en est la conséquence.

Pour un matérialiste, la seule chose qui existe est la matière et donc même l’esprit qui pense cette matière est matière elle-même. Qu’est-ce alors que la matière ?

Le sens du temps

La matière est ce qui dure, ce qui persiste dans le temps. C’est plus précisément une substance qui se transforme au cours du temps. Ceci nous oblige à définir le cours du temps et je voudrais en exposer ici le paradoxe. En effet, cette distinction entre cause et raison trouve un écho particulier dans notre interprétation du temps et plus particulièrement de son écoulement. Par écoulement, entendons changement d’un état vers un autre.

Si l’on suit le chemin des causes, ce sont les évènements passés qui sont la cause de ce qui arrive maintenant et les effets que nous constatons au présent seront les causes de ce qui arrivera demain. De ce point de vue, le temps transforme les causes en effets et s’écoule du passé vers l’avenir. Un avenir aussi déterminé qu’un passé inaltérable. C’est l’ordre naturel des évènements.

Ce n’est cependant que par la raison que nous pouvons remonter aux causes et donc à l’origine, alors que nous ne mesurons jamais une cause, mais seulement ses effets. Les effets sont en réalité la seule chose que nous observons tels des ombres, pour reprendre l’allégorie de la caverne de Platon, qui est la conséquence de ce qui était là avant. C’est ainsi que la raison est une anticipation, un modèle prédictif et le temps un devenir. De ce point de vue, le futur est « à venir » : un avenir qui devient présent pour finalement devenir passé. Le temps s’écoule de l’avenir vers le passé : demain se transforme en présent, qui lui-même se transformera en passé pour ne plus jamais revenir. C’est ce qui rend le monde objectif en lui donnant précisément un objectif, c’est-à-dire une finalité : un sens que l’intelligence peut analyser sans entrer en contradiction car aucun effet ne se manifeste avant sa cause.

Selon la raison le temps est un devenir, une transformation de l’avenir en passé. C’est le sens « idéaliste », celui de l’interprétation des événements à partir de leurs effets et de lois nécessaires sous-jacentes qui les gouvernent. Selon les causes en revanche, le temps est ce qui permet aux effets de se déployer selon la contingence du monde, un évènement après l’autre, du passé vers l’avenir, sans aucune finalité, juste un évènement après l’autre. C’est le sens « réaliste », celui de l’ordre chronologique des évènements et de leurs déterminismes. La contradiction est évidente et le temps ne s’écoule pas dans les deux sens. Nous en viendrions presque à nier le temps, mais ce serait également nier la matière qui ne peut alors plus durer.

Une interprétation de ce paradoxe serait de considérer que le temps est cyclique : le système de notre étude clos et l’Univers infini au regard des conditions expérimentales. Les causes et les effets peuvent être reproduits sans fin et c’est exactement ce qu’une bonne expérience de physique cherche à obtenir. Seule une expérience reproduisible est quantifiable et sers à la fois comme modèle prédictif et explicatif. L’équation de la trajectoire permet de s’affranchir du temps, et donc du passé et de l’avenir. Ce n’est cependant pas l’expérience du temps que nous avons : le passé n’est pas équivalent à l’avenir et le futur n’est jamais totalement déterminé. Le temps n’est pas cyclique.

Seul le présent existe et ce présent, nous ne pouvons pas le reproduire, il est unique ! Le présent est par définition non reproduisible, sinon il ne serait déjà plus présent. C’est exactement ce qu’une expérience de physique quantique nous enseigne : chaque mesure est unique et aléatoire. L’interprétation ne s’effectue que sur des ensembles, après coup, c’est-à-dire à la fin d’un grand nombre d’expériences contenues dans le passé et que nous pouvons alors interpréter de manière déterminée. Passé et avenir sont une construction de l’esprit qui nous permet de déduire que les mêmes causes engendrent les mêmes effets. Le présent cependant – dans son immédiateté – demeure inaccessible, et il suffit de chercher à définir le temps pour s’en convaincre ou de vouloir savoir si le chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant.

La seule expérience physique que nous avons du réel est en fait toujours passée. Cette information, mesure d’une observable physique, est une donnée. Une donnée est en effet le participe passé d’un verbe d’action : ce que l’expérience me donne. Je pose ainsi l’hypothèse que Dieu est intemporel ou plus précisément qu’Il n’existe qu’au présent. Un présent qui est inaccessible par les causes, car tout effet déjà mesuré est nécessairement passé. Ce présent est identique à un état quantique intriqué, tant qu’il demeure cohérent et que nous ne pouvons pas mesurer sans le faire disparaitre. Le réel est plus dense que le présent, mais ce n’est qu’à travers le présent que nous pouvons le sonder, ou plus précisément à travers ce qu’il en reste dans le passé. C’est pourquoi nous avons dû inventer le passé et l’avenir qui pourtant ne sont pas réel, tout comme le possible et l’impossible.

Cette vision contradictoire de l’écoulement du temps d’un point de vue des causes (matérielles) ou de la raison (logique) ne trouve un point commun qu’au présent. Les causes sont multiples, la raison est singulière. Et la question qu’est-ce que le présent revient à poser la question qu’est-ce que le réel ?

Qu’est-ce que le Réel ?

Le réel est ce que nous pouvons connaitre par notre interaction avec lui. Toute ébauche de connaissance passe par ces trois étapes : la contingence de l’action, la nécessité de la raison, l’exigence du réel. Un réel d’autant plus exigeant que nous n’ayons que peu d’emprise sur lui. C’est ce qui a donné, en premier lieu, l’animisme et toutes ces formes de déification de la Nature. Pour les panthéistes, Dieu est la Nature. C’est aussi le Dieu de Spinoza, immanent, qui ne fait qu’un avec la réalité extérieure.

Le panthéisme est une forme de déification du réel, celui qui nous ordonne de nous réveiller, lorsque nous nous sommes pris trop longtemps à rêvasser à nos propres occupations. Un Dieu immanent, qui nous retourne le coup après nos expérimentations naïves sur lui, où l’homme raisonnable doit s’adapter au réel. En ce sens, la liberté n’est que l’intelligence de la nécessité. Nécessité contraignante de la réalité à laquelle je m’adapte par mon intelligence. Pour Spinoza cette liberté n’est qu’une illusion, c’est une recherche de maximisation de ce qui est utile à mieux reproduire les cycles qui sont favorables à mon accroissement d’être – ma puissance d’agir.

Ce qui nous retourne le coup nous oblige à revoir notre copie, comme un retour d’expérience, une rétroaction. La Vie même est basée sur ces cycles, sans cesse retourné par le réel pour s’adapter à lui. Cette adaptation finit par devenir une forme de contrôle, à partir de notre intelligence des cycles. De sujet asservi, nous créons nos propres boucles d’asservissements.

C’est ce qui nous a amené à dompter la Nature, pour que le réel ait moins d’emprise sur nous et rendre hommage au Dieu de Descartes, créateur de la Nature au service de l’Homme. Formidable aventure d’émancipation de l’humanité. Mais dans cette ingénierie du réel, nous finissons par perdre pied avec lui, car tout ce que nous finissons par comprendre de lui n’a plus aucune substance : tout est onde et énergie. Les dieux du Soleil, des Vents ou de la Moisson sont si loin désormais. Cette beauté du monde, hier encore si proche, devient étrangère à soi-même, jusqu’à en devenir absurde. Nous avons besoin de cycles pour comprendre le monde, pour traduire une expérience dans les meilleures conditions de reproductibilité, mais nous avons besoin de s’affranchir de ces cycles pour se sentir libre, car la liberté ne s’exerce qu’au présent. Nous sommes passés d’un monde où Dieu est partout à un monde où Il est nulle part : d’un panthéisme à un panathéisme. La réalité est que nous ne vivons jamais vraiment au présent car tous ce que nous ressentons est déjà passé.

Je pense que les Mathématiques sont le meilleur exemple d’une réalité que nous pouvons connaitre sans être pour autant matérielle. Un Réel naïf d’abord avec l’impression sur nos sens de formes géométriques dessinées sur le sable, jusqu’à suivre la voie de la Raison et découvrir un monde insoupçonné d’objets immatériels – dont zéro et l’infini que nous ne rencontrons nulle part dans la Nature mais que nous pouvons appréhender par l’esprit. Cette naïveté continue de nous suivre à divers degrés et le réel de demeurer inaccessible. Avec la Physique Quantique, nous en venons même à douter de sa Nature propre : la matière ne consisterait pas uniquement d’atomes, comme le voulait Démocrite, mais d’une myriade de particules élémentaires, qui ne sont en fait qu’énergie. Cette énergie ne fait que se conserver, ce que nous retirons de la matière est de l’information, ce qui nous permet de comprendre seulement les événements passés. L’information serait-elle plus matérielle qu’un atome ? Dieu est toujours assimilable au Réel, mais nous avons en effet bien changé notre interprétation de celui-ci, un Réel de plus en plus difficile à cerner à mesure que nous cherchons à mieux le comprendre.

Conclusion

Il n’y a rien de rationnel dans nos vies et ce chaos permanent nous révolte à bien des égards jusqu’à nier l’existence de Dieu. Cependant, tout ce que nous avons pu comprendre du monde, et une fois compris d’agir sur lui, nous n’y serions jamais parvenus sans raison.  Abandonner l’idée de Dieu, revient à abandonner l’idée de raison. Nous serions alors irrémédiablement voués à se tromper sans cesse, une contradiction après l’autre, et nos discours n’aurait qu’un sens rhétorique. Nous passerions notre temps à prouver le tout et son contraire, tel un sophiste, sans jamais comprendre les lois sous-jacentes. Je ne le crois pas. Une simple marche aléatoire ne permet pas d’envoyer une fusée sur la Lune.

S’il est irrationnel d’être athée alors il est rationnel d’être non-athée, c’est déjà le message que Blaise Pascal voulait faire passer à travers son pari, mais qui ne convainc désormais plus personne. Car c’est bien de sentiment plus que de raison dont il s’agit pour s’en persuader. Comme Laplace, nous n’avons plus besoin de cette hypothèse pour se sentir en sécurité. La technologie et la médecine sont devenues une nouvelle religion, jusqu’au transhumanisme qui promet l’immortalité à ses disciples. Nous préférons vivre dans ce tiers-exclu, sans se poser la question, ne pas affirmer que Dieu n’existe pas, juste l’ignorer. Cette ignorance est cependant coupable de réduire nos connaissances à ce que nous savons et à nous enfermer dans une vision cyclique du monde. Même si les mêmes causes engendrent toujours les mêmes effets, nous n’y trouvons plus aucun sens.

Pour revenir à cette conception naïve par laquelle j’ai entamé cet article, le panthéisme ne serait pas une déification de la Nature, mais une déification du Réel. La Nature est ce qui est accessible par nos sens et nos instruments de mesures. Le Réel est ce qui est accessible par la raison, mais qui nous échappe sans cesse, tout comme le temps. Le Réel est ce qui n’existe qu’au présent, alors que toute information que nous pouvons nous en faire est déjà passé.

Le matérialiste est un idéaliste comme les autres et de là tout aussi croyant en son interprétation du Réel.  Ne réduisons pas le Réel à ce que nous en savons. Ne réduisons pas notre connaissance de Dieu à ce que nous pouvons mesurer. Ne réduisons pas le temps à ce que nous pouvons en faire.

Source d’inspiration
  • Le plaisir de penser (chapitres sur Dieu et l’athéisme) – André Comte-Sponville
  • Le principe de raison – Martin Heidegger
  • Dieu, la Science, les preuves – Michel-Yves Bolloré, Olivier Bonnassies
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